Partenaire de l’AUAT depuis des décennies, l’Insee Occitanie produit des données essentielles à la compréhension des tendances dans les territoires, notamment par aires d’attraction. Revue des activités avec sa directrice, Caroline Jamet.
L’Insee dépasse les zonages administratifs pour certaines de ses études, en raisonnant par « aires d’attractions » de ville. Pouvez-vous revenir sur l’intérêt de ce zonage ?
Quand on souhaite apporter de la connaissance utile aux politiques publiques, raisonner par aires d’attractions des villes permet de placer l’habitant au cœur de la réflexion. Ce zonage, basé sur des concepts européens, est fondé sur l’identification de pôles de population et d’emploi. Sa délimitation s’appuie sur les trajets domicile-travail, en passant outre les zonages administratifs. L’aire d’attraction d’une ville correspond à un ensemble de communes formant un pôle et une couronne, la couronne étant constituée des communes dont au moins 15 % des actifs travaillent dans le pôle. Cela permet très concrètement d’interroger jusqu’où l’emploi draine de la population et donc de comprendre par exemple l’historique de l’étalement urbain, les enjeux de logement, ou encore des infrastructures de transport. C’est très éclairant.
Produire de la connaissance pose la question de son accessibilité. Est-ce que la diffusion de vos études est un enjeu aujourd’hui ?
C’est effectivement un enjeu car nous nous adressons à la fois aux acteurs publics, au grand public via les médias, aux chercheurs et aux universitaires. Allons nous investir TikTok pour aller vers les jeunes ? Notre blog permet déjà de développer un ton moins institutionnel afin d’expliquer des questions complexes comme l’inflation. J’ai l’impression que peu de personnes prennent le temps de lire les études aujourd’hui… Nous devons donc fournir un effort supplémentaire en multipliant nos canaux de diffusion. C’est peut-être un enjeu commun avec l’AUAT, qui travaille sur des thématiques d’intérêt public et d’actualité.
L’Insee Occitanie travaille sur des enjeux locaux comme nationaux, pouvez-vous nous en dire plus sur vos objets d’études ?
Nous sommes 300 dont 80 enquêteurs. L’action régionale mobilise 50 des 220 agents bureau pour travailler par exemple sur la filière aéronautique et spatiale, la fréquentation touristique, la parité ou des questions démographiques précises. Ces études sont menées de manière autonome. Nous devons veiller à ne pas nous enfermer dans une tour d’ivoire et donc rester connectés aux sujets d’actualité et aux politiques publiques. L’AUAT travaille quant à elle avec des élus et des techniciens de collectivités. Cela lui permet d’être en prise directe avec le terrain et d’enrichir les données que nous mettons à disposition.
L’Insee travaille aussi sur des enjeux sociaux spécifiques…
C’est vrai, même si cela est en marge de nos activités. Identifier les zones les plus accessibles du Gers lors des implantations des centres de vaccination covid-19, contribuer à l’analyse du mouvement des gilets jaunes dans le Lot, comprendre pourquoi les jeunes de Tarn-et-Garonne sont moins diplômés qu’ailleurs, autant de sujets que nous avons eus à traiter… La dictature de la moyenne ne nous empêche pas d’avoir des approches plus fines pour aider à la compréhension des phénomènes, ce qui est nécessaire dans une région où les contrastes entre territoires sont marqués.
L’AUAT s’appuie sur les projections démographiques de l’Insee pour alimenter les projets de planification des territoires. Comment les produisez-vous ?
Notre modèle, nommé Omphale, s’appuie sur une pyramide des âges que l’on fait évoluer avec des hypothèses sur la fécondité, la mortalité et les migrations. Je l’ai d’ailleurs présenté lors d’un séminaire du PLUi-H de Toulouse Métropole aux côtés de l’AUAT, pour expliquer différents scénarios démographiques pour le territoire. Aux élus ensuite de se positionner pour orienter leurs projets d’aménagement.
Les dernières données démographiques de l’Insee signalent une baisse de la fécondité notamment…
Avec 1,8 enfant par femme en 2022 contre 1,84 un an plus tôt et 2,1 il y a 10 ans, on se rapproche des autres pays européens. Cette inflexion en natalité est à prendre en compte. France entière, si les tendances démographiques récentes se prolongeaient, nous atteindrions un pic de population en 2044 puis la population commencerait à diminuer. L’évolution de la démographie est un sujet majeur tout comme les impacts du changement climatique. L’étude sur les pics de chaleur dans les années à venir avait déjà été très éclairante puisque ce phénomène touchera les territoires le long de l’A61, tous les territoires autour de Toulouse et pas uniquement ceux sur le littoral.