Marie-Christine Jaillet : « Les agences d’urbanisme doivent ouvrir de nouvelles scènes d’échange »
Agence d'urbanisme et d'aménagement Toulouse aire métropolitaine

Marie-Christine Jaillet : « Les agences d’urbanisme doivent ouvrir de nouvelles scènes d’échange »

Marie-Christine Jaillet témoigne de l’évolution des activités des agences d’urbanisme à l’heure où l’AUAT célèbre son 50ème anniversaire. Interview.

Marie-Christine Jaillet : « Les agences d’urbanisme doivent ouvrir de nouvelles scènes d’échange »

Le 50ème anniversaire de l’AUAT est l’occasion d’interroger le champ d’intervention des agences d’urbanisme. Interview de Marie-Christine Jaillet, directrice de recherche au Laboratoire interdisciplinaire solidarités, sociétés, territoires (LISST) du CNRS à l’Université Toulouse Jean Jaurès.

Vous travaillez avec des agences d’urbanisme depuis vos débuts professionnels : qu’en retenez-vous ?

Des points communs. Comme une agence d’urbanisme, la chercheuse que je suis observe, mobilise des données, enquête, questionne pour comprendre son environnement. Cependant, les agences d’urbanisme sont longtemps restées marquées par les cultures de l’architecture et de l’ingénierie. Elles étaient peu ouvertes, sauf exception, aux sciences humaines et sociales. J’ai été amenée à porter, avec d’autres, « le combat » pour qu’elles s’ouvrent davantage aux questions sociales et sociétales.

Peu à peu, les agences ont intégré des sociologues, des géographes et des anthropologues. Ils étaient capables d’analyser les modes de vie, les pratiques sociales et la manière dont elles s’inscrivent dans l’espace. Certaines agences, dont celle de Lyon, ont été pionnières en la matière. L’AUAT a elle aussi diversifié ses compétences. La fabrique de la ville résulte tout autant que de l’action publique ou du marché, de l’agrégation de comportements individuels. Les gilets jaunes et la crise sanitaire ont montré la nécessité de s’intéresser vraiment « aux gens ».

Quel regard portez-vous sur les missions des agences d’urbanisme ?

Le retrait progressif de l’Etat a conduit nombre d’agences à réduire le temps consacré à la réflexion générale sur les territoires. C’était le temps de la fabrique de documents réglementaires (POS hier, PLU, ou PLH, etc.) Certaines agences, comme l’AUAT, ont étendu leurs territoires d’intervention ce qui a élargi de facto leur champs et échelles d’observation. C’est très positif : l’AUAT a maintenant une expertise à la grande échelle de la « plaque métropolitaine » et de ses enjeux. Dans un monde incertain, cela aidera les différentes collectivités à mieux comprendre ce qu’il se passe.

L’AUAT, comme d’autres agences, travaille de manière partenariale avec les collectivités membres.  Comment évaluez-vous cette collaboration ?

La création des intercommunalités et la métropolisation ont conduit les services des collectivités à monter en compétences. Cela a pu parfois conduire à des formes de concurrence avec les agences. Progressivement, chacun a trouvé sa place. Les agences se sont repositionnées sur le temps long, en accompagnement des collectivités sur des enjeux dépassant leurs frontières administratives.

L’élaboration des premiers SCoT, au début des années 2000, a permis à l’AUAT de porter une démarche territoriale originale, celle de l’interscot. J’avais été mobilisée par l’État pour produire avec d’autres membres du Cieu une note sur l’échelle pertinente du SCoT. Fallait-il opter pour un SCoT unique ou imaginer des SCoT « en marguerite » par grand bassin d’emploi et d’habitat ? L’AUAT a joué un grand rôle dans cette aventure. Son président Claude Raynal et Clarisse Schreiner ont noué un dialogue avec chaque commune et chaque bassin. Cela a permis de faire murir la réflexion collective et de faire émerger une conscience commune. C’était un moment charnière dans la construction d’un grand bassin toulousain au sein duquel les territoires sont liés par des interdépendances, prémice d’une solidarité non dépourvue de tensions ou d’oppositions.

Et demain, comment les agences d’urbanisme se positionneront-elles selon vous ?

Je pense que les activités de planification des agences seront de plus en plus reprises par des intercommunalités. Cela libérerait les agences pour amplifier leur expertise en matière d’observation des dynamiques et évolutions à une plus large échelle. Demain, les agences pourront mobiliser de nouvelles données et dépasser la vision statistique des phénomènes. Elles la complèteront avec des approches plus qualitatives, attentives aux modes de vie, aux stratégies individuelles et collectives.

Les agences renouvèleront aussi leurs modes de représentation. La connaissance doit être partagée avec les acteurs de la fabrique urbaine, élus ou professionnels, mais aussi avec les citoyens. Ces derniers aspirent de plus en plus à être partie prenante de la définition de leur cadre de vie. Les agences d’urbanisme ont toute légitimité pour y parvenir. Elles ouvriront de nouvelles scènes d’échange et trouveront les voies d’une collaboration pérenne avec les chercheurs. L’enjeu est de construire ensemble de nouvelles approches pour suivre les trajectoires des territoires et débattre des politiques publiques.

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