L’AUAT a réuni ses membres et partenaires pour échanger sur les bénéfices d’une intensification des usages des équipements et la mutualisation des espaces. Retour sur la rencontre des observatoires, orientée programmation et sobriété.
Qu’elle soit foncière, énergétique ou économique, la sobriété change les réponses à apporter aux besoins de nouveaux équipements et bâtiments. Et si, au-delà du constat des contraintes, ces changements étaient l’occasion de… renouveler l’approche de la programmation ?

Lors d’une rencontre des observatoires intitulée « Le lieu avant le programme : où se joue la sobriété ? », l’AUAT a réuni un collectif de représentants de collectivités, un designer et un opérateur immobilier. Tous ont contribué à une réflexion sur le potentiel qu’offrent les bâtiments existants pour optimiser le potentiel déjà construit. La mutualisation de bâtiments et le multi-usages seraient-ils la clé ? La réponse n’est pas si évidente. Si des partages de bâtiments existent, le chemin à parcourir pour mutualiser peut aussi être semé d’embuches. À Tournefeuille, comme l’a évoqué Dominique Fouchier, certains équipements sont déjà ouverts sur de larges plages horaires afin d’optimiser l’usage. Il a aussi indiqué que « la mutualisation est plus difficile à mettre en œuvre du fait de la spécialisation de certains équipements, qui ne permettent pas encore la superposition des pratiques. »

3 questions à Alexandre Mussche, designer et co-fondateur de Vraiment Vraiment
Vous accompagnez des projets d’acteurs publics en défendant la place des usagers lors de la conception. Pour quelles raisons ?
C’est une clé pour mener à bien une ambition de partage d’équipements. Prenons l’exemple de la programmation d’un centre social et d’une médiathèque, dans un même bâtiment. Ce type de projet, assez courant, peut être motivé par des raisons évidentes d’économie de chauffage, d’entretien et de nettoyage. Mais une fois que les acteurs sont d’accord pour mieux utiliser les m², comment faire ?
Vous parlez du « syndrome de la colocation », de quoi s’agit-il ?
C’est une image assez évocatrice. Dans une colocation, on voit bien qu’une fois passée l’euphorie de la signature du bail et la fête, des difficultés peuvent survenir face aux règles de gestion du réfrigérateur ou encore de l’évier : est-ce un espace de stockage de la vaisselle ou uniquement de lavage ? Si l’on revient à la programmation, les ambitions de partage d’un équipement peuvent se détricoter si le parcours initial d’un utilisateur n’a pas été discuté. Comment faire cohabiter des accueils individuels du centre social (avec des bureaux) et des accueils collectifs pour diffuser la culture (avec des grands espaces) ? Discuter ces mises en situation au début du projet, avec tous les futurs usagers du lieu, aidera à qualifier les mitoyennetés, bien mieux qu’un tableau de surfaces.
Concrètement, comment peut-on prendre en compte les usages dès les prémices d’une programmation ?
Il faut proposer un cadre de vrais échanges sur le projet avec les équipes qui utilisent le bâtiment. Je pense notamment à ceux qui l’exploitent au quotidien. Pour un collège par exemple, il faut écouter la direction d’établissement et le corps pédagogique, mais aussi les assistants d’éducation (AED, communément appelés « pions »). J’ai en tête des discussions hyper enrichissantes sur le programme pour créer des espaces d’autonomisation de ces futurs adultes. Comment créer des ponts entre les espaces du sérieux et de l’apprentissage (les salles de classes) et les espaces du chahut (les couloirs, la cours de récréation) ? Concrètement cela fait changer la programmation du bureau des AED, si il est tourné vers la cour de récréation (pour prévenir les risques), ou vers le CDI (pour faciliter l’ouverture aux élèves en dehors des horaires). Les intégrer aux réflexions est par ailleurs une manière de réduire des problèmes de ressources humaines, de pénibilité, de turn-over.

Créé par un groupement d’acteurs publics et privés, l’outil Intensi’Score permet d’évaluer le potentiel d’intensification des espaces et propose des mesures concrètes afin de mieux utiliser le bâti existant.
Débat sur les cantines
La rencontre a aussi permis de nouer des discussions sur l’emblème des cantines. Chacune coûte en moyenne 2 millions d’euros à elle seule. C’est l’espace le plus coûteux d’un équipement scolaire. « Une cantine de collège n’est pourtant utilisée que 300 heures par an » a indiqué Alexandre Mussche. Laurent Lemaître, directeur du patrimoine du conseil départemental de Haute-Garonne, a contribué aux réflexions. Il a évoqué la nécessité de faire évoluer les référentiels car « les normes de constructions imposées vont à l’encontre des enjeux écologiques », tout en exposant l’intérêt de bâtir une stratégie immobilière de sobriété. Celle-ci passerait par une bonne connaissance de son patrimoine, de l’anticipation et de l’accompagnement.
Discuter un projet par le plan de masse ?
Penser le lieu et la manière dont il sera utilisé, avant le programme ? Les participants de la rencontre ont questionné l’ordre des prises de décision. « Ne prenons pas tout de suite les décisions sur les voies ou l’architecture, pensons les mobiliers et les postures des usagers, sinon le projet se réduira à des répartitions de m² devant un plan de masse » a-t-on pu entendre, mais aussi « Les documents programmatiques doivent être compréhensibles par tous et montrer la place de chacun des usagers demain ». Pour Adrien Ramirez, directeur général délégué de Bellevilles foncière responsable, « la concertation est une clé pour la réussite des projets. Nous l’avons par exemple fait, pendant 7 ans, pour accompagner le projet de la Cartoucherie à Toulouse. Si la chaîne immobilière est très segmentée, tous les rôles sont utiles au développement d’un projet. Il est donc nécessaire de choisir ses alliés et de s’entourer pour promouvoir la démarche. »