Géographe et professeur émérite, le spécialiste des petites villes Jean-Paul Laborie revient sur les relations très étroites développées tout au long de sa carrière avec l’AUAT. Un témoignage à la résonance particulière au moment du 50ème anniversaire de l’agence.
Jean-Paul Laborie, vous travaillez avec l’AUAT depuis 40 ans. Quel est le fil rouge de votre collaboration ?
C’est un enjeu commun : la maîtrise de la croissance périphérique des villes. Toulouse a longtemps été la commune toute puissante du territoire. Cela a commencé à changer dans les années 80 au moment où l’AUAT se lançait pour favoriser le dialogue entre communes. En parallèle, la pensée universitaire sur la ville se construisait, sous l’impulsion des géographes Pierre George puis Bernard Kayser. Ils déploraient que l’on ne connaisse rien sur les petites villes. On m’a lancé sur cette question et elle m’a beaucoup occupé pendant ma carrière.
Définir le périmètre de territoires, faire dialoguer des communes… Ces enjeux sont toujours aussi prégnants aujourd’hui
La réalité des métropoles a quelque peu gommé les batailles historiques entre communes, même si elles persistent différemment de nos jours. Observer et comprendre ces liens était bien le point de départ puisque l’AUAT a dès ses débuts été aux côtés des communes du grand bassin Toulousain. J’ai d’ailleurs découvert l’agence lorsqu’un jour de 1982 Jean-Marc Mesquida m’a contacté, alors qu’il travaillait sur Blagnac. J’étais un jeune universitaire et venais d’obtenir les chiffres du recensement de l’Insee. Déjà à l’époque, l’accès à la donnée était un point de convergence.
Quels liens observez-vous entre l’AUAT et le monde universitaire ?
L’AUAT a toujours aidé les universitaires à comprendre les textes réglementaires, ou à accéder à des données. Au-delà de l’enrichissement mutuel des études, il faut signaler que l’AUAT a joué et joue un rôle dans le parcours de nombre d’étudiants, notamment en leur proposant des stages, ou en participant à des jurys de thèses, ce qui n’est pas commun sur le plan national. A l’université Jean Jaurès, j’ai par ailleurs formé nombre de collaborateurs qui ont évolué ou évoluent encore au sein de l’AUAT.
A vous écouter, tout s’est toujours bien passé avec l’AUAT. C’est bien le cas ?
Je n’oublie pas que l’AUAT pouvait paraître assez technocratique par instants. Il est aussi arrivé qu’en tant qu’universitaires, nous mettions à disposition des informations qui n’étaient parfois pas considérées. Il faut concéder que comprendre la complexité de la société est une chose et la rendre accessible en est une autre. Cet enjeu demeure aujourd’hui, de manière à enrichir les études d’urbanisme. C’est pourquoi je soutiens pleinement la démarche engagée par l’agence pour comprendre les modes de vie et les usages des habitants.
Vous êtes aujourd’hui impliqué dans le comité d’orientation de la revue Belveder
C’est un réel plaisir. Belveder est une porte ouverte entre le monde de l’urbanisme et celui des universitaires. C’est un moyen très concret de produire du lien. Le comité de lecture de la revue est constitué de membres choisis représentant des disciplines très diverses mais qui ont tous un mot à dire sur l’urbanisme et ceci en toute liberté. Siéger dans ce comité n’est pas une sinécure mais les débats qui s’y tiennent m’ouvrent sur de nouveaux horizons.
L’archive à découvrir
« Esprit communautaire : es-tu là ? » dans le numéro 0 de la revue Belveder
Jean-Paul Laborie contribue également à la revue, comme ici avec un article questionnant l’esprit communautaire dans l’agglomération toulousaine.
Quel regard portez-vous sur les agences d’urbanisme aujourd’hui ?
Ce sont des outils indispensables pour s’affranchir de l’injonction politique. L’AUAT, comme bien d’autres agences, a la mission de faire communiquer des univers différents. C’est fondamental à mes yeux pour arriver à transmettre, car les expertises en silo ont leurs limites. De plus, les agences ont aussi une vision des enjeux à long terme et c’est là encore essentiel. Dernier point : quand je vois aujourd’hui l’AUAT travailler dans la vallée de l’Ariège, je suis admiratif. Les équipes des communes y trouvent un appui très précieux par rapport aux pouvoirs constitués.