Santé et inégalités sociales des habitants : pourquoi les aménageurs ont un rôle à jouer
Agence d'urbanisme et d'aménagement Toulouse aire métropolitaine

Santé et inégalités sociales des habitants : pourquoi les aménageurs ont un rôle à jouer

Santé et inégalités sociales des habitants : pourquoi les aménageurs ont un rôle à jouer

Des formations sont proposées à Toulouse, Nîmes et Perpignan de décembre 2022 à mai 2023. Objectif : aider les aménageurs à détecter les risques d’aggravation des inégalités sociales que pourraient générer leurs projets. Un enjeu essentiel pour l’urbanisme, lequel est voué à améliorer la santé et la qualité de vie de tous les habitants. 

Développer un urbanisme favorable à la santé ne s’improvise pas. C’est pourquoi dès le 8 décembre à Toulouse, des aménageurs publics ou privés pourront bénéficier d’une formation gratuite dans le cadre du programme URBAN ISS PRO. Celle-ci est proposée par Aapriss, la plateforme d’expertises interdisciplinaire sur les inégalités sociales de santé et le collectif des agences d’urbanisme d’Occitanie.  

Totalement financée par l’ARS Occitanie, cette formation d’une journée passe par l’appropriation de la grille de repérage URBAN-ISS. Cet outil éprouvé permet d’effectuer un premier niveau de repérage des risques qu’un projet d’aménagement pourrait générer pour la santé des habitants. Ces derniers sont alors appréhendés dans toute leur diversité et notamment leurs caractéristiques socio-économiques.

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L’interview 

Les explications de Jasmine Marty, chargée d’études et de projets pédagogiques à l’Institut fédératif d’études et de recherches interdisciplinaires santé société.  

Jasmine Marty, IFERISS

Ce programme de formation part du principe que l’aménagement de l’espace public et des habitations serait vécu différemment, selon l’histoire familiale des personnes, leur niveau de revenu, ou encore leur niveau d’éducation. Cette idée est-elle nouvellement admise ? 

L’urbanisme est historiquement un levier pour résoudre des problèmes de santé publique. Pour dépasser les épidémies de peste et de choléra, l’urbanisme hygiéniste a transformé les espaces publics et les habitudes au 19ème siècle. C’est tout récemment que la connaissance a progressé pour appréhender la santé des habitants de manière plus fine. Le Black report de 1980 au Royaume-Uni a prouvé, pour la première fois, que même si la santé globale s’était améliorée depuis l’introduction de l’État-providence, il existait des inégalités de santé généralisées, dont la première cause était économique. Le taux de mortalité des hommes ouvriers était, selon ce rapport, le double de celui des hommes de classe aisée. C’était il y a 40 ans, et aujourd’hui, en France, un écart de plus de six ans demeure entre ces deux catégories de personnes.  

Les inégalités sociales ont été également observées lors de la crise covid-19 et pendant les vagues de chaleur cet été. Ces deux évènements ont été difficiles pour les habitants n’ayant pas la possibilité de se déplacer ou de changer de résidence même temporairement…  

Tout le monde n’a pas une maison à la campagne, accès à un parc ou, parmi ses relations, quelqu’un qui peut l’accueillir pour fuir un appartement invivable lors d’un épisode de canicule. La crise covid-19 avait déjà montré que ceux vivant dans des logements surpeuplés étaient plus exposés. Si vous combinez cette crise aux vagues de chaleurs connues cette année et qui sont appelées à se reproduire, vous obtenez une surmortalité record, comme l’a constaté Santé publique France en novembre 2022. La question posée est donc de savoir comment on peut considérer l’hétérogénéité des situations (revenus, sexe, âge, niveau d’éducation…) dans la fabrique de la ville. Il est attendu que ces connaissances soient transformées en pratiques professionnelles et en politiques publiques.  

L’accès aux commerces, aux transports en commun ou encore à la nature sont donc différents selon les catégories de personnes et la manière dont la ville est faite  

Quitte à choquer un peu, je dirais que beaucoup de villes ont été pensées et faites par et pour les hommes. La thèse de Lucile Biarotte nous a par exemple appris que la pratique d’activité physique en extérieur est dépendante de la sécurité pour les femmes, ou que les chaines de mobilité ne sont pas uniformes. Tout le monde ne part pas tôt au travail, pour rentrer tard. Certains font plusieurs petits trajets dans la journée, pour gérer les enfants, ou faire des courses. En résumé, les usages sont pluriels. Il faut les intégrer dans les projets d’aménagement, sous peine de creuser les inégalités.  

Pour y parvenir, vous allez animer des formations avec les agences d’urbanisme en vous appuyant sur l’usage d’une grille de diagnostic, nommée URBAN-ISS. Pouvez-vous nous la présenter ?  

Urban-ISS résulte d’un programme de recherche engagé en 2016 associant l’IFERISS et l’AUAT. Les deux organismes ont mis en commun leurs compétences pour créer cet outil de repérage des impacts sur la santé et les inégalités sociales de santé (ISS). Il a été testé avec des collectivités territoriales et progressivement amélioré. Les agences d’urbanisme de Nîmes et Perpignan ont ensuite rejoint le projet pour créer un programme de formation-action. Le financement de l’agence régionale de santé obtenu récemment conforte l’intérêt de l’approche couplée santé & urbanisme via cet outil. Sa force est son caractère opérationnel. Il permet rapidement de disposer d’indices motivant ou non une évaluation d’impact en santé, qui est un exercice tout autre, puisqu’une telle évaluation est une démarche coûteuse en temps, en argent et en compétences. 

Pouvez-vous donner un exemple de critère questionné par l’outil URBAN-ISS ? 

Si un logement est accessible via un périphérique ou via un parc, l’impact sur la santé des habitants est différent. Vous le voyez, c’est très concret. Nous espérons donc que la formation proposée motivera les aménageurs pour qu’ils s’emparent de l’outil. Une précision : nous encouragerons les aménageurs, pendant la formation, à se rapprocher de professionnels de la santé publique afin de les associer à leurs réflexions. Prendre une demi-journée pour passer un projet d’aménagement au crible d’Urban-ISS contribue à élargir le spectre. Est-ce que tel ou tel aspect a un impact sur les inégalités ? Si oui, est-ce qu’on peut les réduire ?  

Dernière question : si vous aviez un seul argument à avancer pour convaincre un aménageur de se former, vous diriez ? 

Cette formation sera un élément différenciant. Pour un aménageur, maîtriser un outil éprouvé, et s’associer à des acteurs de santé publique sont des atouts qui peuvent être valorisés auprès des financeurs et de la population. Il est attendu des projets urbains qu’ils contribuent à la qualité de vie de tous et toutes et je pense objectivement que cet outil y contribue de manière très pragmatique.

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