Maire de Toulouse et président de Toulouse Métropole, Jean-Luc Moudenc s’arrête sur certains projets d’urbanisme et d’aménagement engagés avec l’AUAT. L’agence célèbre en 2022 son 50ème anniversaire et accueille en octobre la rencontre nationale des agences d’urbanisme.
Les équipes de Toulouse Métropole travaillent quasi-quotidiennement avec l’AUAT. Parmi les projets engagés, lequel retient le plus votre attention ?
L’AUAT accompagne de manière permanente les élus et services des collectivités membres. C’est un partenaire durable et important pour nous et nombre de projets. Si je dois en identifier un en particulier, je dirais que c’est la 3ème ligne de métro. Hors région parisienne, il s’agit du projet de mobilité le plus ambitieux de France. Ce projet sera un vecteur de recomposition de la ville. La ligne traversera Toulouse d’est en ouest, de Labège à Colomiers et Blagnac et desservira de nombreux quartiers. Une nouveauté par rapport aux projets des deux premières lignes : nous travaillons dès à présent sur les abords immédiats des stations. L’objectif est que celles-ci s’intègrent bien dans la vie des quartiers.
Les quartiers sont d’ailleurs au cœur du projet urbain toulousain qui se concrétise encore un peu plus avec « les cahiers toulousains » qui viennent de mener une concertation avec les habitants.
Développer le projet urbain à l’échelle des quartiers est essentiel. Toulouse en compte une cinquantaine, avec des noms, des identités, des histoires, des particularités et des points communs. La ville accueille chaque année près de 6 000 habitants. Cette croissance peut effrayer par son ampleur. Elle interroge notre capacité à conserver une dimension humaine et à ne pas sacrifier la qualité de la vie.
Associer les habitants, comme nous l’avons fait lors de la phase de participation citoyenne, aide à l’appropriation du projet qui est par là-même enrichi. Avec une approche prospective, les habitants ont pu exprimer comment ils voient aujourd’hui leurs quartiers, comment ils voudraient l’améliorer. Nous avons donc ajouté le vécu des habitants à la base solide constituée avec l’aide de l’AUAT. C’est une feuille de route ambitieuse qui nous aidera à assurer un développement quantitatif mais aussi qualitatif de la ville.
Vous évoquez un enjeu qualitatif et cela fait le lien avec un autre projet : les entrées de ville. Vous engagez un nouveau projet pour les revisiter. Qu’en attendez-vous ?
Elles ont longtemps été négligées en étant uniquement appréhendées d’un point de vue fonctionnel. On ne faisait qu’y passer, on n’y vivait pas… alors tout le monde s’est accommodé de cela. Pourtant, il faut penser à la première impression de ceux qui découvrent Toulouse, même cela ne fait pas partie des priorités des habitants. Nous devons appréhender les entrées de ville d’une autre manière, dans la même idée que les quartiers pour les améliorer.
Vous portez également le projet des Grands parcs. Quel seront les signaux de réussite de ce projet ?
Les projets à grande ambition s’inscrivent dans le temps long et c’est le cas pour les Grands parcs. Touch, Hers, Margelle, Canal et Garonne sont autant de feuilles de route pour les citoyens, les acteurs publics et privés, afin d’aménager progressivement ces territoires tout en favorisant l’accès à la nature. Grand Parc Garonne est le plus avancé, à cheval sur 7 communes de la Métropole. La déconstruction de l’ancien parc des expositions a été faite. En 2024, nous livrerons aux Toulousains une première tranche significative de l’île du Ramier renaturée, près de la piscine Nakache. Voir les habitants s’emparer de ces espaces sera le signal que nous aurons réussi. Progressivement, les autres Grands Parcs verront le jour et ce sera très concret dans les quartiers. Je pense au Grand Parc Canal, qui redonnera sa place au Canal du Midi, ce grand oublié de l’urbanisme toulousain depuis un demi-siècle. Il en sera de même pour le Canal Latéral, ouvert sur les quartiers nord. Margelle, Hers et Touch seront aussi attendus pour développer des cheminements de nature entre communes.
Le projet des Grands parcs a une résonnance particulière alors que la loi Climat et résilience rebat les cartes de la consommation foncière. Comment abordez-vous ce changement porté par la loi ?
Cela fait des années que nous avons entamé un projet de limitation de l’étalement urbain. La loi Climat et résilience crée une obligation immédiate, assez drastique. Elle impose d’ici 2031 de réduire de 50% la consommation foncière observée lors de la dernière décennie. L’objectif étant d’atteindre un zéro artificialisation nette (ZAN) en 2050. C’est un défi immense. Je ne suis pas sûr que le législateur ait mesuré les difficultés pratiques et techniques que les élus et citoyens vont rencontrer avec cette application systématique. Pour un territoire qui accueille peu de nouveaux habitants, le ZAN est vécu par les élus comme un empêchement de se développer. Pour une métropole comme Toulouse, cela crée une nouvelle complexité. D’autres lois nous demandent d’accueillir de la population et de proposer des logements sociaux. Les deux obligations se percutent et se contredisent.
La solution, pour Toulouse, est d’augmenter la densité et la hauteur des immeubles que l’on construit. Cela va à l’inverse de ce que souhaitent les habitants alors que nous sommes dans une société démocratique ! Cette révolution copernicienne à bas bruit ne sera possible que si les porteurs de projets proposent un saut qualitatif d’un point de vue architectural. Il faut désormais démontrer que construire de manière plus intense peut être beau, pratique et accompagné d’un renforcement de la trame végétale, mais aussi de services publics. Ce dernier point est indéniablement une complexité supplémentaire, étant donné que les ressources des collectivités sont de plus en plus restreintes.
Toulouse accueille du 12 au 14 octobre la rencontre nationale des agences d’urbanisme. Le thème des débats sera le changement, protéiforme, qui s’impose aux territoires. Que cela vous inspire-t-il ?
J’accueillerai avec plaisir cet évènement et participerai aux discussions pour témoigner. Le changement fait partie du quotidien pour les élus et l’AUAT nous aide à le comprendre. La vocation de l’agence est d’être une ressource intellectuelle et technique pour nous aider à avancer sur les modes de vie, le développement économique, la transition écologique. L’AUAT a beaucoup changé, elle aussi, en 50 ans. Elle traite de sujets toujours plus complexes, en écho aux enjeux du territoire. Elle s’est adaptée dans ce monde où les contradictions et les clivages s’accumulent. Certains parlent d’archipélisation de la société et il est vrai que l’hyper-individualisme de notre temps est un frein à la construction d’une vision globale d’intérêt collectif. J’attends que l’agence nous aide à dépasser cela.